I
Notre retour sur les Euros de Copenhague avec un focus en forme d’hommage dédié aux résultats exceptionnels des nageuses de l’équipe de France.
I
Pour l’équipe de France, le bilan comptable des Championnats d’Europe petit bain de Copenhague qui viennent de s’achever est plutôt positif : un titre continental, 8 médailles au total, dont 6 en individuel par cinq nageurs différents. Mais bien au-delà des chiffres, ce qui marquera sans doute durablement les esprits et qui laisse entrevoir des perspectives réjouissantes pour l’avenir, c’est le très haut niveau de performance collectif des féminines.
Malgré les absences dans la sélection de deux finalistes mondiales au sommet de leur forme l’été dernier à Budapest (Béryl GASTALDELLO, retenue aux États-Unis où elle poursuit ses études, et Anna SANTAMANS, convalescente suite à une lourde opération de l’épaule), les filles ont sorti le grand jeu tout au long de la semaine de compétition, remportant 6 des 8 médailles françaises (7 en incluant le relais mixte), avec une leader de stature internationale (Charlotte BONNET), une co-leader en devenir (Marie WATTEL), des « anciennes » insatiables (Lara GRANGEON, Mélanie HENIQUE), des nageuses arrivées à maturité qui ne cessent de progresser (Fantine LESAFFRE, Mathilde CINI, Fanny DEBERGHES), ainsi que des jeunes pousses en phase d’apprentissage (Camille DAUBA, Cyrielle DUHAMEL).
I
Charlotte BONNET en patronne
La Niçoise n’est pas une néophyte, loin de là, avec déjà un palmarès impressionnant du haut de ses 22 ans (elle est notamment médaillée en relais aux Jeux de Londres en 2012, médaillée européenne en individuel sur 200m NL en grand bassin en 2016). Mais cantonnée aux places d’honneur lors des rendez-vous internationaux, il lui manquait encore une consécration individuelle pour se sentir pleinement appartenir au gratin du sprint mondial en nage libre. C’est désormais chose faite avec ce titre européen en petit bain sur 200m.
Les progrès chronométriques étaient perceptibles depuis plusieurs semaines en petit bassin (Open des Alpes, Interclubs, Championnats de France de Montpellier) et Charlotte a encore franchi un palier à Copenhague, retranchant une seconde pleine à son record personnel pour le porter à 1.52.19. Menant la course quasi de bout en bout, elle n’a fait qu’une bouchée de ses trois plus dangereuses adversaires Femke HEEMSKERK, Veronika ANDRUSENKO (anciennement POPOVA) et Michelle COLEMAN.
Certains esprits grincheux ne manqueront pas de rappeler que ni Federica PELLEGRINI, ni Sarah SJOESTROEM, pourtant présentes à Copenhague, ne s’étaient alignées sur ce 200m. Sans parler du fait que les absents ont toujours tort et que dans le sport de haut-niveau seul compte le résultat (ou presque), il fait peu de doute au vu du chrono de Charlotte et de la (mé)forme de l’Italienne que cette dernière aurait eu toutes les peines du monde à rivaliser (elle n’a d’ailleurs sans doute pas fait l’impasse par hasard), un constat similaire pouvant être fait concernant la Suédoise, elle qui a montré d’inhabituels (relatifs) signes de faiblesse sur cette compétition et qui se consacre prioritairement aux distances 50/100m. Mais ne faisons pas de natation fiction. Le palmarès 2017 retiendra que Charlotte a ouvert son « compteur médaille d’or international » à Copenhague ; souhaitons-lui que ce tableau d’honneur s’allonge encore sur la route qui la mènera aux Jeux de Tokyo dans deux ans et demi.
Cataloguée « nageuse de 200m NL », Charlotte confirme en outre sur ces Championnats qu’elle est capable d’étendre son registre sur les autres distances de sprint à un très haut niveau de performance. Pour la première fois, elle a joué les premiers rôles sur l’épreuve reine du 100m, n’échouant qu’à 2 petits centièmes d’un podium garni de trois championnes olympiques (Ranomi KROMOWIDJOJO, Sarah SJOESTROEM et Pernille BLUME), excusez du peu ! En l’espace de deux semaines, Charlotte aura amélioré par trois fois le record de France que détenait Camille MUFFAT depuis 2010 (52.41) : une première fois en finale des Championnats de France de Montpellier (52.04), puis deux fois en l’espace de 24h à Copenhague en demi (51.71) puis en finale (51.65). Peu de nageuses au monde sont aujourd’hui capables d’une telle régularité à ce niveau.
Charlotte a par ailleurs profité de sa forme étincelante pour s’emparer du record de France du 50m NL jusqu’alors propriété d’Anna SANTAMANS en devenant la première française à « nager moins de 24s » sur l’aller-retour (23.82 au départ du relais 4x50m NL dames). Ultime preuve de son éclectisme, c’est elle qui assure le parcours de brasse dans le relais 4x50m 4N féminin médaillé de bronze en clôture de compétition (30.01 lancée).
I
Marie WATTEL, leader en devenir
Si Marie WATTEL avait manqué le rendez-vous des Mondiaux de Budapest l’été dernier, sa première infidélité à l’équipe de France A depuis 2013 (!), les observateurs avisés avaient compris qu’il ne s’agissait en rien d’une stagnation dans l’évolution de la papillonneuse, désormais aussi crawleuse : fin août, aux Championnats US open, elle mettait une claque à l’ensemble de ses records personnels en grand bassin, avec notamment un joli (57.53) sur 100m papillon qui la positionnait parmi les 10 meilleures nageuses mondiales sur la distance.
A Copenhague, Marie a gravi d’un coup d’un seul plusieurs marches dans la hiérarchie internationale. Elle qui n’avait encore jamais pris part à une finale individuelle en grand championnats s’est payée le luxe de s’inviter à la table des meilleures sprinteuses du moment sur 100m NL. En partie éclipsée par les fulgurances de Charlotte BONNET, sa progression en nage libre est tout à fait impressionnante : elle décroche la 6e place européenne en 52.25, après avoir nagé 52.35 en demi, deux chronos inférieurs à l’ancien record de France de Camille MUFFAT qui faisait office de référence il y a encore deux semaines.
Deux jours plus tard, Marie franchissait un nouveau cap en prenant une superbe médaille d’argent sur 100m papillon derrière l’intouchable recordwoman du monde Sarah SJOESTROEM, en tentant crânement de résister au départ ultra-rapide de la Suédoise et en tenant jusqu’au bout pour conserver sa position. A l’arrivée, au-delà de cette première médaille internationale, c’est surtout le chrono qui impressionne (55.97). Une heure plus tard, elle concluait le relais 4N féminin en 23.82 lancé sur 50m NL pour conserver la 3e place au nez et à la barbe des Hollandaises. Deux médailles récoltées en un dimanche, qui en appellent certainement bien d’autres.
I
Lara GRANGEON insatiable
Depuis le début de l’année 2017, la Néo-Calédonienne qui s’entraine à Nice avait décidé de se consacrer prioritairement à l’eau libre, ce avec succès, puisqu’elle était parvenue à se qualifier pour les Championnats du Monde sur 25km à Budapest. Sa préparation est désormais axée dans l’optique d’une qualification aux Jeux de Tokyo 2020 sur le 10km. Le moins que l’on puisse dire, c’est que pour autant Lara n’a rien perdu de ses qualités en bassin. Elle repart de Copenhague avec deux nouvelles médailles européennes sur 200m papillon (3e, 2.04.31) et 400m 4N (2e, 4.28.77) dans des chronos très proches de ses records personnels.
Autre « ancienne » de la sélection, promue capitaine de l’équipe féminine, Mélanie HENIQUE n’est certes pas dans la forme exceptionnelle qu’elle avait connue en décembre 2016, mais tout de même, ne banalisons pas cette nouvelle place de finaliste sur 50m papillon (5e, 25.59), ni ses contributions précieuses aux médailles de bronze des relais 4N mixtes et féminins.
I
Une génération « 1994 » en constante progression
Sur le 400m 4N, dans la vague de Lara, on retrouve Fantine sur la 3e marche du podium (4.30.68). Elle qui n’avait jamais disputé de finale internationale s’offre donc une savoureuse médaille de bronze en retranchant 2s à sa meilleure marque. Ses progrès du moment se sont également traduits par une qualification en finale sur 200m 4N, où la néo-marseillaise licenciée à Montpellier prend la 5e place en 2.08.83, nouveau record personnel.
Pas de médaille pour Mathilde CINI, mais des progrès chronométriques considérables qui lui ouvrent les portes de deux finales sur 100m dos (57.73 en demi) et 50m dos (5e, 26.47, à un dixième du podium). Sur cette distance, la Valentinoise s’approprie le record de France qui appartenait depuis un an à Mélanie HENIQUE. Mathilde a également idéalement lancé le relais 4N féminin médaillée de bronze le dernier jour.
Au rayon des nageuses en progression, on ajoutera également Fanny DEBERGHES. Brillante début décembre sur les Championnats de France, la Montpelliéraine s’est qualifiée pour sa première finale internationale individuelle sur 200m brasse (2.23.67) et a contribué à la qualification du relais 4N féminin médaillé de bronze en assurant le parcours de brasse en séries.

Fanny Deberghes (bonnet bleu) et Camille Dauba (bonnet blanc), au départ de la finale du 200m brasse des Championnats de France grand bassin 2017.
I
Prise d’expérience pour les jeunes
Camille DAUBA, 20 ans, se qualifie pour sa première finale européenne individuelle, et pas nécessairement sur l’épreuve où elle était attendue, le 200m 4N (2.11.54). Sur les épreuves de brasse, les chronos n’ont pas été flamboyants, certaines évolutions techniques étant en cours d’intégration à l’entrainement.
Pour sa première en équipe de France A, Cyrielle DUHAMEL, 17 ans, parvient à signer de bons chronos matinaux sur ses épreuves de prédilection : 2.12.60 sur 200m 4N, 4.41.08 sur 400m 4N (record personnel).
I
Perspectives
L’échelonnement du calendrier international est ainsi fait qu’il semble taillé sur mesure pour cette jeune équipe de France féminine en progression générale. En 2018, l’objectif sera de confirmer les promesses entrevues et de consolider, voire d’améliorer, la position de chacune dans la hiérarchie continentale à l’occasion des Championnats d’Europe en grand bassin de Glasgow (août 2018), avant de se projeter en 2019 sur les Mondiaux où il s’agira de se positionner sur l’échiquier mondial à un an des Jeux de Tokyo, objectif ultime. Cette progressivité des enjeux permettra aux nageuses de poursuivre leur progression et d’affirmer leurs ambitions individuelles étape par étape.
Par ailleurs, au vu des résultats de Copenhague, des apports potentiels des absentes (Béryl GASTALDELLO, Anna SANTAMANS), voire de l’émergence d’autres nageuses non citées, on ne peut s’empêcher de rêver à un brillant destin pour les relais 4x100m NL et 4x100m 4N.
Mais comme nous l’avons écrit plus haut, ne faisons pas de natation fiction. Laissons les nageuses savourer leur réussite de Copenhague. Elles attaqueront l’année 2018 avec le plein de confiance et l’esprit conquérant. La suite leur appartient.