Une fois sa qualification pour les Jeux sur 400m NL en poche à l’issue des championnats de France de Montpellier en avril dernier, Jordan Pothain avait annoncé la couleur : à Rio, son objectif serait d’atteindre la finale, de prendre part à la course qui verrait s’affronter les huits meilleurs nageurs au monde sur la distance. Une ambition très haut placée, puisque ce matin avant les séries, le pensionnaire du Nautic Club ALP’38 ne détenait que la dix-neuvième performance chronométrique des concurrents engagés. Soyons francs, même en supporters inconditionnels, il nous était difficile de l’imaginer réaliser son rêve tant le très haut niveau mondial paraissait dense et encore un cran au-dessus du sien.

Jordan Pothain et son entraineur Guy La Rocca. (N1 Montpellier, 2016)
Oui mais voilà, Jordan est parvenu à déjouer tous les pronostics lors des séries, en signant le huitième temps de qualification, laissant aux portes de la finale des nageurs de renom comme le Coréen Tae-Hawn Park ou l’Allemand Florian Vogel, tous deux déjà passés sous les 3.45.00. Pour cela, il a été capable de sortir le jour J la plus belle course de son encore jeune carrière de nageur de haut niveau, abaissant sa meilleure marque de plus de deux secondes (3.45.43, contre 3.47.77 aux championnats de France).
Sa réussite ne doit rien au hasard. Depuis des mois, Jordan s’était minutieusement préparé avec son entraineur Guy La Rocca pour être en mesure d’exprimer son plein potentiel en cette semaine olympique. Au fil de la saison et des compétitions, il avait peaufiné sa stratégie, apprivoisé cette course de demi-fond si particulière et exigeante qu’est le 400m NL. Par deux fois déjà il avait amélioré son record personnel en 2016. Une première fois en février, portant son chrono de référence à 3.48.50, puis une seconde fois aux championnats de France.
En comparant la manière dont il a construit ces trois courses de référence à différents moments clés de la saison, on constate que depuis plusieurs mois, Jordan avait en tête une idée bien précise de la manière dont il allait aborder son épreuve objectif de l’année, la série qualificative des Jeux Olympiques.
Il est particulièrement frappant d’observer que les premiers 150m de course ont été nagé quasiment à vitesse identique depuis le début de l’année, toujours sur une base rapide, proche de celle des tous meilleurs mondiaux. Là où Jordan a finalement fait une (grande) différence en série des JO, c’est au cœur de la course, dans le deuxième 150m, démonstration que les cycles de préparation spécifiques ont porté leurs fruits. Sur cette seule portion du 400m, il gagne 2 secondes et 5 centièmes sur sa course de référence précédente. Les 100 derniers mètres ont été plus compliqués à boucler, preuve que la stratégie était bien de prendre tous les risques pour aller chercher un chrono synonyme de place en finale.
Au vu de cette gestion de course encore imparfaite, il apparait clairement que Jordan dispose toujours d’une marge de progrès chronométrique significative sur cette épreuve. Ayant continuellement amélioré ses records à grands coups de secondes année après année, il peut désormais légitimement affirmer haut et fort qu’à l’avenir il visera mieux qu’une simple place de finaliste au niveau international.
Quand un nageur n’est pas dans le top français vers 15/16 ans et qu’il émerge au plan national puis international à partir de 19 ans, on peut penser que sa courbe de progression n’est pas terminée. En plus, il a acquis de l’ambition, n’a-t-il pas dit à la télé qu’on le reverrait à … Tokyo dans quatre ans !